19 mars 2022

De la difficulté de réformer le cadastre

 

Les réformes fiscales et cadastrales sont parmi les plus difficiles à mettre en oeuvre et exacerbent les rapports de force entre l'Etat, les collectivités locales et les contribuables. Illustration ci-dessous avec un article du correspondant du journal Le Monde à Rome, avec la réforme actuelle du cadastre italien. Cela promet pour la réforme française sur les valeurs locatives des locaux d'habitation, non révisées depuis 1970 malgré une tentative dans les années 1990, et  qui doit démarrer l'an prochain....


En Italie, tensions autour de la réforme du cadastre

 

Annoncé depuis des années, ce projet est souvent cité comme l’exemple même de la réforme à la fois indispensable et impossible. Le sujet est technique mais central pour toutes les familles italiennes, car le cadastre est le fondement du système d’impôts locaux italien.

Par Jérôme Gautheret(Rome, correspondant)[1]

Publié le 15 mars 2022 à 00h52, mise à jour à 12h17, Temps de Lecture 4 min.

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Le Parlement italien, à Rome, le 31 mars 2020. ANDREAS SOLARO / AFP

 

 


Des menaces de rupture de la majorité, des portes qui claquent, des effets de manche en tribune suivis de confidences vengeresses susurrées à la presse... Dans le cours tumultueux de la vie parlementaire romaine, où l’on ne déteste rien de plus que l’ennui, rien de cela n’est très surprenant. Il est même naturel, alors que l’Italie est, comme le reste de l’Europe, confrontée à la crise internationale la plus grave depuis la fin de la guerre froide, que certaines turbulences se fassent jour au sein de l’actuelle majorité de gouvernement.

Et de fait, la dernière semaine a été scandée de tensions et de menaces, au point que le président du Conseil lui-même, d’ordinaire impavide, était d’une nervosité inhabituelle, le 9 mars, à la tribune de la Chambre des députés. Ce qui est étrange, en revanche, c’est que ces dissensions n’ont strictement rien à voir avec la géopolitique.

Si le gouvernement italien se déchire, c’est pour un sujet autrement plus sensible – du moins dans le contexte transalpin : la réforme du cadastre, que Mario Draghi essaie de mettre en œuvre, malgré les réticences d’une bonne partie de sa majorité.

Plus aucun rapport avec la réalité

Annoncé depuis des années, ce projet est souvent cité en Italie comme l’exemple même de la réforme à la fois indispensable et impossible. Le sujet est technique, voire aride, mais également central pour toutes les familles italiennes, car le cadastre est le fondement du système d’impôts locaux italien. C’est à partir des valeurs qui y sont inscrites que la taxation est fixée, que ce soit pour le très impopulaire IMU (impôt foncier) ou la TARI (taxe sur le ramassage des ordures). Les valeurs enregistrées ? Elles remontent à 1989, soit plus de trente ans, et n’ont donc plus aucun rapport avec la réalité.

En vertu de cet état de fait, dans certains centres urbains, un appartement peut valoir quatre ou cinq fois plus que sa valeur cadastrale, tandis que dans d’autres zones, la valeur cadastrale peut être très proche d’une valeur de marché... Conséquence : le propriétaire d’un appartement situé à Milan ou à Venise, enregistré pour 100 000 euros mais valant quatre ou cinq fois plus, paiera la même chose que le propriétaire d’un appartement dans une ville moyenne, enregistré pour 100 000 euros mais valant à peine plus... L’injustice est connue de tous, mais cela ne rend pas la réforme plus facile pour autant.

En effet, vouloir s’y attaquer, c’est avoir l’assurance d’être accusé de tous les maux, ou de se voir prêter la pire des mauvaises intentions : celle de vouloir « faire les poches » des Italiens, selon l’expression redoutablement efficace de l’ancien président du conseil, Silvio Berlusconi[4], voire, pire encore, d’instaurer clandestinement la « patrimoniale », autrement dit l’impôt sur le capital.

Face à tous les fantasmes agités principalement par la droite et l’extrême droite, Mario Draghi a cherché à faire valoir devant les députés, le 9 mars, sa logique. « Appliquer un taux fixe sur des valeurs qui n’ont aucun sens pour produire des chiffres qui n’ont aucun sens, cela doit finir, il faut de la transparence ! », a-t-il avancé, avant d’assurer que personne ne serait lésé fiscalement par cette réforme – un argument qui n’a fait que renforcer les suspicions.

 

Logiquement, la présidente de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni (post-fasciste, opposition), vent debout contre le projet, est la plus virulente contre cette réforme, qu’elle qualifie de « massacre social ». Mais nombre de membres du gouvernement sont à peine plus enthousiastes. Ainsi, Matteo Salvini, dont le parti, la Ligue (extrême droite) siège au gouvernement, a exhorté Mario Draghi à remettre la réforme à des jours meilleurs. Dans le même temps, la droite modérée soutenait la réforme le plus mollement possible, non sans avertir Mario Draghi que son gouvernement pourrait bien se trouver en danger s’il persistait dans cette voie.

La taxation du patrimoine, tabou ultime

Tabou ultime du débat politique en Italie, la taxation du patrimoine y est particulièrement faible, tandis que l’impôt sur le revenu (IRPEF), pèse très fortement sur les hauts salaires. Cet état de fait, allié à la quasi-inexistence de l’impôt sur les successions, concourt à favoriser les rentes et les situations établies plutôt que l’enrichissement par le travail, ce qui contribue sans doute, indirectement, à décourager un peu plus encore les jeunes Italiens, qui chaque année par centaines de milliers quittent le pays, faute de perspectives. Selon une enquête réalisée à l’été 2021 par l’Observatoire politique de la jeunesse de la fondation Bruno-Visentini, 29 % des 15-29 ans, en Italie, imaginent leur avenir à l’étranger.

Face à ces constats, implacables, Mario Draghi semble décidé à mener la réforme à son terme, quitte à mettre de l’eau dans son vin en raison des oppositions. Y parviendra-t-il à un an des prochaines élections législatives ? Même en temps de guerre, il ne faut pas mésestimer la force des coalitions pour que rien ne change.


26 août 2017

Histoire de la construction de la "forteresse" de Bercy

Le projet architectural


Bercy dans la programmation des grands travaux 

Les services du ministère des finances avaient investi, dès la fin du mois de mai 1871 et pour plus d’un siècle, la partie du palais du Louvre érigée sous le Second Empire,« l'aile Richelieu », comprise entre la rue de Rivoli et la cour Napoléon. Pendant l’entre-deux-guerres, la coexistence en ce palais de deux entités administratives en forte expansion souleva une nouvelle fois la question de la mitoyenneté des administrations financières avec une autre institution. Par l’intermédiaire de son président, Emile Labeyrie, la commission du domaine national souligna combien « les administrations financières [étaient] trop à l’étroit rue de Rivoli ». Conscient que l’exigence du transfert se heurterait à la difficulté de récupérer un « emplacement assez vaste pour permettre la construction d’un groupe immobilier d’une importance exceptionnelle », le président Labeyrie concluait toutefois : « Le déplacement du Ministère des finances et la remise des locaux qu’il occupe à l’Administration des Beaux-Arts sont vivement désirables à tous les points de vue. » (Procès-verbal de la séance du 16 juillet 1937). La guerre bloqua le projet pour une longue période.
Le plan du quartier de Bercy

Le 24 septembre 1981, le président de la République décida de restituer au musée l’ensemble du palais, avant l’Exposition universelle de 1989, concrétisant son engagement pour la mise en œuvre de chantiers à caractère culturel. Le chef de l’Etat fixait comme objectifs majeurs que :

  • l’édification du nouvel ensemble de constructions dédié au nouveau ministère des finances marque l’esthétique architecturale et l’urbanisme moderne, et soit réalisée dans un délai de cinq ans,
  • ce transfert de services administratifs permette un « rééquilibrage vers l’Est » de la capitale des implantations de bâtiments publics.
L'ancien octroi du quai de Bercy, enserré dans les anciens bâtiments du quartier de Bercy avant leur démolition (1984)


Les anciens bâtiments à l'angle du quai de Bercy et du boulevard de Bercy avant leur démolition (1984)


Le futur site des ministères vu du quai d'Austerlitz (1984)


Les bâtiments de l'ancien ministère des Anciens Combattants avant leur démolition (juillet 1983)


Le 5 mars 1982, le quartier de Bercy fut retenu pour l’implantation des édifices, provoquant une longue polémique (« …subsiste l’absurdité de l’éloignement du ministère des finances à Bercy », Le Monde, 4 octobre 1988 ; « Bercy, mal aimé des grands travaux », Le Monde, 8 mai 1990). Les lieux où devait être érigé le bâtiment principal, compris entre la gare de Lyon, les entrepôts viticoles de Bercy et le quai de La Rapée, avaient été en partie occupés pendant près d’un demi-siècle par une annexe du ministère des anciens combattants. Les directions des pensions et des statuts de combattants et victimes de guerre furent en effet domiciliées jusqu’en 1983 au n° 139 de la rue de Bercy. Peu avant la dernière guerre mondiale, une demande d’extension de cette annexe avait même été formulée par le ministre des anciens combattants, qui avait suggéré l’acquisition de l’immeuble situé au n° 133 de la rue de Bercy, contigu à son annexe (lettre au ministre des finances, 25 juin 1938).


Le début du chantier sur le site de Bercy. La préservation de l'ancien octroi de la rue de Bercy. A l'arrière plan, les futurs bâtiments Sully et Turgot en construction (juillet 1985)

Un ministère bâtisseur 


L’arrêté de déclaration d’utilité publique confirmait « l’urgence et la nécessité » de la réalisation du nouveau ministère de l’économie, des finances et du budget sur le site désigné (Journal officiel du 30 décembre 1983). Le maître d’ouvrage, chargé de la conduite de l’opération d’investissement, fut la direction du personnel et des services généraux (DPSG) du ministère, et plus particulièrement la sous-direction de la construction et des affaires immobilières. Quarante-six opérations immobilières étaient en cours, à Paris et en province, au moment de la mise en chantier de Bercy. Dans cette organisation, le bureau C3, assura la surveillance de la construction du nouveau ministère et des opérations liées (notamment vis-à-vis du ministère des anciens combattants transféré), ainsi que  le suivi administratif, financier et comptable de l’opération, en tant que « délégué du conducteur d’opération ». A ce titre, ce bureau participa à l’élaboration du programme, à l’analyse des projets architecturaux, au choix des entreprises et aux réunions de chantier jusqu’à la réception des bâtiments.



La construction des bâtiments Sully et Turgot sur la dalle existante qui surplombe la rue de Bercy (juillet 1985)



La construction du bâtiment Colbert. Au premier plan, le bâtiment préservé de l'octroi du quai de Bercy


En amont, une commission technique avait analysé les 137 projets du concours national d’architecture organisé dès juin 1982, et un jury de neuf membres (trois représentants du maître d’ouvrage, trois personnalités et trois architectes) sélectionné quatre esquisses. Celles-ci furent présentées au personnel et au public, lors d’une exposition qui se tînt à l’hôtel des Monnaies du 26 novembre au 29 décembre 1982. Le 17 décembre de la même année, le président de la République choisit le projet de l’atelier d’urbanisme et d’architecture Paul Chemetov - Borja Huidobro, et du cabinet d’architectes-conseil Emile Duhart-Harosteguy pour les bâtiments A, B et C (plus tard dénommés Colbert, Vauban et Necker). En juillet 1983, un projet complémentaire le long des voies ferrées fut adopté : cet ensemble formait les bâtiments D et E (plus tard dénommés Sully et Turgot) des architectes Louis Arretche et Roman Karasinsky, avec Virgil Ciocardel comme architecte associé.


La construction des piles en Seine du bâtiment Colbert (février 1988)


Le chantier débuta au cours de l’été 1984. Les 6 000 fonctionnaires s’installèrent, entre le début de l’année 1987 (bâtiments Sully et Turgot) et la fin de l’année 1989 (bâtiment Necker, Vauban et Colbert), dans l’une des plus vastes « cité » de bureaux d’Europe : les cinq bâtiments représentent une superficie de 230 000 m² hors œuvre.


Les bâtiments des ministères. Photographie aérienne au-dessus du parc de Bercy (1989)


Les bâtiments des ministère. Photographie aérienne avec le quai de Bercy au premier plan (1989)

Des constructions emblématiques


Entre 1987 et 1989, l’administration des finances abandonna le palais royal du Louvre pour venir s’installer à l’entrée Est de Paris où elle devait se créer une nouvelle identité. Une occupation humaine des lieux attestée depuis des temps fort anciens représentait l’un des fondements majeurs de cette identité. « L’exception française est surtout dans le rapport à l’histoire, le rapport à la mémoire, le rapport aux symboles » (Un entretien avec Paul Chemetov, Le Monde, 24 mai 1994).


Les bâtiments des ministères. Photographie aérienne au-dessus des voies ferrées de la gare de Lyon (1989)


Le bâtiment Colbert et l'hôtel des ministres sur les piles en Seine (2001)


Le bâtiment Colbert et le boulevard de Bercy vus du bâtiment Necker

« Le rapport à l’histoire ».

Au XIe siècle, les lieux-dits « Berci » et « La Rapée » faisaient partie de la paroisse de Conflans (quartier de Charenton à la confluence de la Seine et de la Marne) et du fief de la Grange-aux-Merciers (à la hauteur de l’actuelle rue Nicolaï) sur lequel, trois siècles plus tard, l’abbaye de Montmartre percevait encore des droits seigneuriaux. La terre de Bercy était investie par les cultures potagères, les pâturages et les vignobles (« la vallée de Fécamp »), mais également, depuis le XVIe siècle, par des maisons de plaisance dont les somptueux jardins descendaient jusqu’à la Seine.



Le Petit Bercy et les villégiatures en bord de Seine, en marge du château de bercy. Extrait du plan de la ville de Paris de Roussel (1730)


Au XVIIIe siècle, le village appartenait au bailliage relevant d’une famille (les Malon de Bercy) dont la seigneurie s’étendait jusqu’à Conflans. A cette famille appartenait le château de Bercy, élégante demeure construite entre 1658 et 1715 par les architectes François Le Vau puis Jacques de La Guépière pour Charles-Henri Malon, intendant des finances de 1709 à 1715. Les Malon avaient conclus des alliances matrimoniales avec de grandes familles de financiers, telles Le Ragois de Bretonvilliers dès 1677, puis Taschereau de Baudry et Taboureau des Réaux en 1734. Notons simplement que le conseiller d’Etat Gabriel Taschereau fut également intendant des finances en 1722, et que Louis-Gabriel, le dernier Taboureau des Réaux, avait été désigné contrôleur général des finances en 1776-1777 pour seconder Jacques Necker, « directeur général du Trésor » de Louis XVI, avant d’entrer au conseil royal des finances en 1777.

A cette même époque, à partir de 1784, une enceinte à mission purement fiscale fut édifiée autour de Paris : elle était connue sous le nom de « Mur des fermiers généraux ». Le long de cette enceinte, haute de plus de 3 mètres, s’échelonnaient une soixantaine de bureaux d’octroi, pour la plupart conçus par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, et chargés de la perception des droits sur les marchandises entrant dans Paris. Mais avec l’insurrection de 1789 et la suppression par les gouvernements révolutionnaires des services de la ferme générale, l’octroi d’ancien régime fut abandonné, la plupart des bâtiments détruits par le feu, et la perception des droits momentanément confiée à huit « régisseurs des douanes nationales » (décret du 23 avril 1791). Le mur fut remplacé par une ceinture de boulevards, et le futur boulevard de Bercy ouvert dans le cadre d’une ordonnance du bureau des finances du 16 janvier 1789.

Le château de Bercy, élevé dans un site exceptionnel dominant la Seine (en marge de l’actuel bois de Vincennes), était entouré d’un parc aménagé par André Le Nôtre. Au décès du dernier des Malon, le domaine fut en partie vendu à la ville de Paris, le parc loti à partir de 1809, et le château détruit en 1861 permettant l’extension du bois de Vincennes, le passage de la voie ferrée Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) et la construction des entrepôts viticoles (1840 et 1863).


Le parc et le château de bercy. Extrait du plan de la ville de Paris de Roussel (vers 1730)


Tout cela intervenait au moment où Napoléon III décidait de faire coïncider les limites administrative et militaire de Paris et de diviser la ville en vingt arrondissements (loi du 16 juin 1859). Le nouveau Paris « intra-muros » rejoignait l’enceinte fortifiée de Thiers, édifiée entre 1840 et 1845 et composée de 23 barrières dont la barrière de Bercy traversant les jardins du château. Cette enceinte fut détruite après déclassement à la fin de la première guerre mondiale et une grande partie la commune de Bercy annexée au territoire de la ville de Paris (loi du 19 avril 1919, art. 10 et 11), aux termes de conventions conclues entre le ministre des finances et le préfet de la Seine.



L'octroi de la barrière de Bercy. Extrait du plan de la ville de Paris d'Edme Verniquet (1791)


Parmi les anciens « bastions » de l’enceinte de Thiers, les premiers, dans l’ordre numérique, étaient situés dans l’Est parisien, sur l’actuel boulevard des maréchaux, entre la Seine (bastion n°1 : boulevard Poniatowski) et la porte de Montreuil (bastion n° 11 : boulevard Davout, rue Paganini). En 1923, le ministère des finances avait installé son magasin central des impressions dans cette dernière place, caserne préservée de la démolition (convention du 16 décembre 1912, art. 1er, § f). Le bail conclu par le ministère avec la ville de Paris a pris fin en 1980.


Le bâtiment Necker et la rue de Bercy vers la gare de Lyon. Au fond, les bâtiments Sully et Turgot (façades vitrées).



Accès à la cour de l'hôtel des ministres. Cette porte en bronze donne sur le boulevard de Bercy.

Le rapport aux symboles


Les pouvoirs publics avaient décidé de regrouper l’essentiel des services financiers et de leurs états-majors dans un ensemble de bâtiments ministériels spécifiques, c’est-à-dire conçus, édifiés et aménagés avec cet objectif précis, ceci pour la première fois depuis l’instauration de la République. Sous l’ancien régime… et jusqu’en 1987, les bureaux de l’administration des finances étaient installés dans des hôtels particuliers, d’anciens palais de la monarchie et des immeubles construits a priori pour d’autres affectations.

Les groupes d’immeubles de la rue de Bercy ont été imaginé avant tout comme lieux d’architecture et de culture. Leurs constructions s’allongent comme une muraille, haute de neuf étages, le long des voies ferrées de la gare de Lyon et face aux anciens faubourgs de la ville. L’entrée principale (n° 139 rue de Bercy) est établie dans un ancien octroi du XVIIIe siècle, un pavillon semblable formant une symétrie côté Seine (n° 10 quai de La Rapée). Ces pavillons, respectivement ancienne douane et octroi de la « barrière d’eau », sont classés monuments historiques (arrêté du 12 janvier 1962) et dénommés de ce fait « bâtiment H1 » et « bâtiment H2 ». Les régies d’octrois étaient chargées de la perception des droits sur les boissons et marchandises entrant dans Paris, par la voie d’eau ou de terre, et destinées à l’approvisionnement des habitants. Ces taxes ne touchaient pas les boissons et marchandises en transit (arrêté du 29 nivôse an VII).

Le bâtiment principal (Colbert), vaste portique de 350 mètres de long enjambant deux voies publiques et perpendiculaire à la Seine, est établi le long de l’ancien « Mur des fermiers généraux ». Il est séparé par une douve d’une voie de contrescarpe (le boulevard de Bercy) et abrite, à l’intérieur de l’enceinte ainsi constituée, au-delà d’une seconde douve, des bâtiments administratifs plus bas et de conception plus classique qui se fondent avec les immeubles d’habitation et de bureaux fermant le quadrilatère sur la rue Villiot. Les cinq bâtiments sont reliés les uns aux autres par des passerelles, au-dessus des voies publiques, des cours intérieures et des douves. Vitrine de l’art contemporain, le site de Bercy renferme des œuvres d’art d’une grande diversité : peintures, sculptures, tapisseries, mosaïques, dallages ont été réalisés par une vingtaine d’artistes français et étrangers. Ces réalisations, installées en des lieux emblématiques (hôtel des ministres, cour d’honneur, halls d’accès aux bâtiments, douves), devaient se décliner autour du thème de l’argent : œuvres de commande, elles entraient dans le cadre de la réglementation instituant le « 1% artistique » pour les constructions exécutées par le ministère (arrêté du 24 juin 1980).



L'hôtel des ministres
Avec un front sur pilotis qui plongent dans le fleuve, un accès à la cour d’honneur qui s’effectue par un pont sur la douve et une porte monumentale en bronze, l’hôtel des ministres a été placé dans l’axe de la cathédrale Notre-Dame de Paris, par une construction légèrement décalée par rapport au bâtiment Colbert auquel il est intégré : à l’intérieur de l’hôtel, une bande blanche concrétise cet axe dans le marbre du sol comme la filiation historique que les concepteurs du nouvel édifice souhaitaient entretenir avec les bâtisseurs du Moyen-Age. Ainsi la nouvelle réalisation fermait-elle une boucle, celle inaugurée par la mise en œuvre du « Grand Dessein » qui avait mobilisé la monarchie pendant plusieurs siècles autour du chantier de l’extension du Louvre : ce chantier fut le point de départ du second « axe historique », celui-là vers l’Ouest, vers la Grand’Arche de la Défense.


Le bâtiment Colbert, la douve intérieure.


Le bâtiment Colbert, le grand hall.


Le centre de conférence Pierre Mendès France.

FIN